Simples pleurs ou coliques du nourrisson ?
Les coliques du nourrisson est un terme utilisé pour décrire le comportements des nourrissons âgés de moins de 12 mois comprenant des épisodes prolongés de pleurs, des difficultés de sommeil et/ou d’alimentation (1). Les coliques sont l’un des défis majeurs de la parentalité. C’est l’une des raisons courantes pour lesquelles les parents demandent un avis médical au cours des trois premiers mois de leur enfant. Il est défini comme un paroxysme de pleurs durant plus de 3 heures par jour et survenant plus de 3 jours par semaine pendant 3 semaines chez un bébé en bonne santé âgé de 2 semaines à 4 mois (2). À l’échelle internationale, les coliques sont un phénomène mal compris affectant jusqu’à 30% des bébés (3). L’incidence est identique entre les sexes (4) et entre l’allaitement au sein et au biberon (5) (6). Les problèmes se rencontrent plus fréquemment chez les nouveau-nés et les nourrissons qui ont un frère ou une sœur qui a également eu cette affection (7) (8) (9). Une analyse de la charge financière a révélé que le coût annuel, des pleurs et des troubles du sommeil des nourrissons au cours des 12 premières semaines de vie, pour la National Health Service britannique était de 65 millions de Livre Sterling (9). Les nuits blanches et l’incapacité de consoler un bébé nouvellement arrivé sont une source de stress considérable (10) (11) et c’est l’inquiétude parentale la plus souvent signalée au cours de la première année de vie (9) (12) (13). Médicalement, pleurer était traditionnellement considéré comme inoffensif sans conséquences à long terme, cependant les pleurs importants des bébés favorisent la dépression maternelle (12) (7) et les abus envers les enfants (14). Illingworth n’a trouvé aucune association entre l’âge de la mère, sa parité, ses antécédents de grossesse et les coliques (15).
Pourquoi bébé souffre-t-il de coliques ?
De nombreux facteurs étiologiques des coliques ont été explorés, notamment les problèmes d’alimentation, de reflux, de digestion au niveau du colon (6) (16) (17), les troubles musculosquelettiques (18) (19), les progrès du développement (20) (21) (22) et la parentalité (23) (24) (25). Malgré des recherches approfondies (23), les facteurs de causalité restent insaisissables. Les causes organiques sous-jacentes de pleurs excessifs doivent être prises en compte lors de l’évaluation mais représentent moins de 5% des nourrissons présentant des pleurs excessifs (26) (27). Les troubles gastro-intestinaux ont été impliqués dans les coliques en raison de la position des jambes des enfants et de leurs grimaces au cours des pleurs. Les pleurs excessifs peuvent etre liés à une augmentation de la production de gaz par le côlon et une aérophagie. Les hormones intestinales telles que la Motiline peuvent également jouer un rôle causal dans les coliques. On pense que Motiline provoque un hyperperistalsis, entraînant des douleurs abdominales et des coliques (28). L’hypothèse selon laquelle les coliques sont une manifestation précoce d’un tempérament difficile n’est pas étayée par des études longitudinales prospectives (29) (30).
Coliques du nourrisson : les signes qui ne trompent pas
Bien que le diagnostic clinique ne soit pas clair, la présentation est claire ; c’est un enfant qui pleure excessivement, il semble en bonne santé, prospère et grandit. Les pleurs inconsolables commencent à l’âge de 8-14 jours (31) et les épisodes de pleurs sont les plus fréquents à la fin de la journée (32). Les diagnostics basés sur l’heure des pleurs ont peu d’utilité et des définitions plus modernes acceptent que les parents puissent rapporter avec précision si leur enfant souffre ou non de coliques, ce que l’on appelle le «diagnostic de la mère» (33). Les pleurs commencent généralement soudainement et sans raison claire. Le bébé peut aller à la selle ou faire des gaz vers la fin de l’épisode de colique. Les coliques sont intenses et souvent aiguës. Le visage peut rougir et il est extrêmement difficile – voire impossible – de réconforter. Les changements de posture tels que les jambes recourbées, les poings serrés et les muscles abdominaux tendus sont fréquents pendant les épisodes de colique (34) (35).
Coliques et bébé : quel traitement ?
En cas de coliques, l’hospitalisation n’est pas considérée comme appropriée et peut même entraîner des interventions néfastes ou inutiles (36). De même, les traitements pharmacologiques, tels que la Dicyclomine (un anticholinergique), sont considérés comme nocifs (37), avec des effets indésirables graves, notamment des difficultés respiratoires, des convulsions et le décès. Par conséquent, ce médicament a été retiré du répertoire des traitements avant l’âge de 6 mois. Le diméthicone (Gel de polysilane), médicament allopathique le plus couramment administré, a été montré dans trois études à double insu n’ayant aucun effet (38) (39). D’autres médicaments, notamment le Gaviscon, des inhibiteurs de la pompe à protons et des suppresseurs d’acide, couramment prescrits pour le reflux gastro-oesophagien, sont couramment administrés à ce groupe d’âge en cas de pleurs excessifs malgré le manque de preuves pour justifier leur utilisation (40). De nouvelles preuves suggèrent que les probiotiques utilisés pour moduler la flore intestinale microbiotique chez l’enfant pourraient être utiles (41) (42). Cependant, des investigations supplémentaires sont nécessaires pour déterminer son efficacité réelle dans le syndrome douloureux des pleurs excessifs (42) et pour la santé en général. D’autres produits thérapeutiques ingérés, tels que les médicaments à base de plantes, l’homéopathie, les compléments botaniques et les thés, ont fait l’objet de peu d’essais et ont donné des résultats mitigés, suscitant des inquiétudes quant aux effets indésirables (43). Il existe également des préoccupations quant à leur potentiel d’interférence avec l’alimentation du nourrisson (44). Des modifications alimentaires telles que l’élimination des protéines du lait de vache ne sont indiquées que dans les cas de suspicion d’intolérance à la protéine. Chez les nourrissons suspectés d’allergie aux protéines du lait de vache et nourris au lait maternisé, une préparation hydrolysée de protéines est indiquée (45). Si la mère allaite, il est préconisé de faire une période d’éviction des aliments allergènes (produits laitiers, noix, soja, agrumes, etc.) afin d’observer les changements de l’état du bébé. Si les pleurs sont liés à l’allergie au lait de vache, des bienfaits sont généralement observés dans les 2 à 7 jours (46) (47) (48) (49) (50). Une grande variété d’interventions, notamment le portage, l’emmaillotage (51) (52) (53), les balancement doux avec de minuscules mouvements saccadés (54), certains bruits environnementaux (55) (54) ont montré une certaine efficacité mais des études complémentaires doivent etre réalisés pour les recommander. De plus, il existe des preuves, bien que limitées, que l’utilisation du massage au cours des six premiers mois de vie diminue les coliques des nourrissons (56) et améliore la relation mère-enfant chez les enfants présentant des signes de reflux gastro-œsophagien (57).
Est-ce que cela veut dire que vous ne pouvez ou ne devez rien faire ?
Avant tout il est important de préciser que les coliques se résorberont d’elles-mêmes avec le temps. Mais à mon sens, il reste important de les traiter. Déjà pour que votre bébé ne soit pas en souffrance, même si elle n’est que passagère et temporaire, mais aussi pour l’équilibre des parents.
Comment agit l’ostéopathie face à cette “détresse” ?
Les thérapies manuelles dans le traitement des coliques ont donné des résultats prometteurs (58). Lors d’une étude effectuée pendant 3 mois sur 316 bébés souffrant de coliques, on a constaté que 94 % des sujets avaient été soulagés considérablement par la thérapie manuelle (59). Cette étude a été corroborée par les études de Hughes et Bolton (60) et de Miller (61). Non seulement la prise en charge par thérapie manuelle se révèle efficace, mais les résultats sont généralement rapides, comme le démontre une autre étude réalisée auprès de 132 nourrissons souffrant de coliques importantes. Dans 91 % des cas, une amélioration a été notée après une moyenne de seulement 2 à 3 consultations (62) et en 4 séances dans une autre étude (63). Il est aussi important de noter que les mères ont déclaré avoir subi une réduction du stress lorsque les pleurs de leur bébé ont été réduites après les séances (61) (64) (65). L’amélioration des habitudes de sommeil chez les enfants après un traitement manuel est aussi fréquemment rapportée dans la littérature (66) (61) (63) (67). Dans l’étude de Hayden (63), les pleurs des enfants ayant des coliques ont été réduit de 63% dans le groupe traité par ostéopathie contre 23% dans le groupe témoin. Le traitement a permis la réduction des pleurs de 1h par jour dans le groupe Ostéopathie par rapport au groupe témoin. Il y avait aussi une augmentation significative du temps de sommeil (augmentation de 1,17 heure / 24 heures). Bien que des résultats positifs du traitement manuel des coliques infantiles aient été rapportés, le mécanisme exact responsable de ces résultats reste à élucider (63). Le traitement manuel est basé sur l’hypothèse que les nourrissons peuvent présenter des contraintes musculosquelettiques ou des limitations affectant leur confort, leur alimentation et leur motilité intestinale, provoquant une détresse (68). On sait que les nourrissons ont des sensations de douleur et que le système sensoriel est développé bien avant la naissance et que leur capacité à traiter les sensations augmente peu de temps après la naissance (33). Les sensations de douleur sont très probablement amplifiées dans les âges extrêmement jeunes, ce qui affecte les schémas fonctionnels à court terme (8). Si le nourrisson est soumis à des tensions musculaires et viscérales, à des déséquilibres de la colonne et des ligaments, il est raisonnable de postuler que la thérapie manuelle ostéopathique peut atténuer le déséquilibre, restaurer la fonction musculosquelettique normale et soulager les tensions et donc la douleur. Plusieurs études ont démontré que les nourrissons présentant des coliques et des reflux avaient très fréquemment des blocages de la charnière cervicale C1-C2 avec des tension musculaires cervicales asymétriques (69) (61).
Certains parents se demanderont sans doute si leur bébé n’est pas trop jeune pour bénéficier de traitements ostéopathiques. Un bébé peut recevoir des soins ostéopathiques dès les premiers jours suivant sa naissance ! Les soins qui sont prodigués aux bébés sont adaptés et aucune technique de Manipulation n’est appliquée. Le but n’est pas d’ajouter un stress supplémentaire à la vie de votre enfant, mais bien de lui redonner un équilibre et d’optimiser le fonctionnement de tout son organisme. Non seulement le traitement pourra favoriser la diminution ou la disparition du problème de coliques, mais il pourra aussi agir sur d’autres symptômes présents et même prévenir l’apparition d’autres troubles de santé. Et d’ailleurs, de meilleures nuits pour les parents contribueront certainement à améliorer l’état de santé (et la bonne humeur) de toute la famille!
Bibliographie